Γνῶθι σεαυτόν, mais avec des logiciels libres

Γνῶθι σεαυτόν, Gnothi seauton, « Connais-toi toi-même » en français (hop, lien Wikipédia).

Les grecs ne pensaient sans doute pas au quantified self (mesure de soi), mais moi, oui.

Je ne suis pas un foufou de la mesure de soi, mais ces derniers temps… disons que j’ai des raisons de m’y intéresser.
Le problème, récurrent de nos jours, est que quand on a un truc qui prend des mesures, on doit généralement les refiler (les mesures) à une application ou un site, bref, on s’en dépossède allègrement.

Mais nous avons de la chance, il existe des logiciels libres qui nous permettent de garder nos mesures pour nous.

Petit tour des logiciels et applications libres que j’utilise…

Gadgetbridge

Il y a de cela plusieurs années, j’ai souhaité une montre connectée pour compter mon nombre de pas quotidiens : ayant un mode de vie très sédentaire, je souhaitais m’assurer que je me bougeais suffisamment les fesses.

J’ai acheté un bracelet Angel sensor car il était open source. Je vous la fais courte : j’ai eu le machin (cher pour ce que c’était), une application de test (vraiment pas utile, c’était pour montrer les possibilités du SDK) et peu de temps après, la boîte a cessé tout développement et toute communication. Bref, c’est tombé à l’eau.
Cependant, ce projet m’a fait connaître Gadgetbridge, une application Android libre qui communique avec de nombreux bracelets connectés.

J’ai jeté mon dévolu sur un Xiaomi MiBand 2 : petit, pas cher (± 20€), basique, avec les fonctionnalités qui m’intéressaient mais guère plus.

Ça a très bien fonctionné : Gadgetbridge me permet de modifier la configuration du MiBand, d’y mettre des alarmes, de choisir si je veux être averti quand je suis statique trop longtemps (le but : faire quelques exercices après être resté trop longtemps sur l’ordi), de récupérer le nombre de pas, l’activité détectée et le rythme cardiaque. Tout ça en gardant les données sur le téléphone et non en les envoyant aux serveurs de Xiaomi. Et si je gardais le bluetooth allumé sur le téléphone, les notifications du téléphone sont transmises au bracelet (ça peut être pratique).

Bref, ça fonctionne… sauf pour l’aspect « ça va m’aider à me bouger », je n’ai pas réussi à me motiver bien longtemps 😅

SleepyHead

En octobre dernier, j’ai eu de très gros problèmes de sommeil, je ne dormais au mieux que 3 heures par nuit, sauf exceptions, et ça a duré des mois 🙁

J’ai passé un examen du sommeil en mars (ouaip, pas top les délais de prise de rendez-vous) et il s’avère que je fais des hypopnées. Mais genre bien : 50 à 55 par heure, c’est très violent. La page Wikipédia de l’Index Apnées Hypopnées indique « les sujets ayant un IAH supérieur à 30 sont extrêmement rares ». C’est violent au point qu’il m’est déconseillé de conduire (parce qu’incidemment, je suis moins alerte et plus sujet aux endormissements que normalement).

Le remède est assez simple : un appareil à pression positive continue (PPC) pendant la nuit. Un machin qui m’envoie de l’air sous pression dans le nez et/ou la bouche.

Apparté, si on vous équipe d’un machin comme ça :

  • demandez directement qu’on vous donne le module qui humidifie l’air, ça vous évitera d’avoir les muqueuses desséchées et de vous réveiller à cause de dès que l’air ambiant devient sec ;
  • si vous avez l’impression que l’air que vous expirez reste dans le masque (et donc que vous respirez votre CO₂), resserez les sangles du masque. Ma barbe qui repoussait (je l’avais rasée pour l’examen) faisait des mini-fuites non détectées par l’appareil, m’empêchant de souffler suffisamment fort pour ouvrir les clapets d’expiration.

L’entreprise médicale qui m’a fournit l’appareil peut le configurer et récupérer les mesures à distance. Par contre, rien n’est prévu pour que je puisse accéder à celles-ci : les utilisateurs les contactaient dès que le résultat de la nuit n’était pas le même que celui de la veille alors ils ont arrêté de permettre aux utilisateurs de voir leurs données. Bon, OK, mais moi je ne suis pas comme ça, et je veux pouvoir consulter mes données : être capable de voir si je dors plus ou moins longtemps (parce que bon, si je me contente de regarder l’heure de réveil, je vais vite oublier), voir si j’ai eu plus d’hypopnées les nuits où je dors peu, etc. Et puis tant qu’à produire des données, il me paraît naturel de pouvoir y accéder.

Il existe un logiciel fait pour accéder aux données des appareils à PPC : SleepyHead. Le projet est malheureusement à l’abandon car le développeur a lâché l’affaire face aux casse-pieds. Je n’ai pas les détails, mais c’est malheureux de réussir à dégoûter un développeur d’un tel logiciel libre.

Heureusement, il est encore possible de télécharger SleepyHead. La version GNU/Linux proposée étant pour Ubuntu 15.04 (une distribution d’il y a 5 ans, donc), j’ai préféré compiler le logiciel depuis les sources. Je n’ai pas eu trop de soucis (à savoir, installer des dépendances au fur et à mesure des plantages de la compilation), le README étant clair et les instructions simples.

Nextcloud et GpxPod

Je dors bien mieux depuis que j’ai mon appareil à PPC mais depuis à peu près un mois, quelque soit l’heure à laquelle je me couche, je me réveille tôt. Très tôt. Trop tôt : entre 4 et 5 heures du matin.

Ça m’est arrivé l’année dernière, pendant l’été (sans doute à cause de la chaleur) et j’en avais profité pour marcher tous les matins. Comme c’est plutôt une bonne chose de faire de l’exercice et que j’ai (encore) pris du poids, je me suis (re)mis à marcher tous les matins.

Afin de voir combien de kilomètres je faisais, en combien de temps, et si c’était à un rythme régulier, j’ai souhaité utiliser mon smartphone et Nextcloud avec l’application PhoneTrack.
Pour le smartphone, j’ai essayé l’application conseillée : PhoneTrack. Zéro pointé : sur près d’un km, ça loguait à peine deux points (par contre, ça les envoyait directement au serveur Nextcloud, c’était bien pratique). Je ne sais pas si c’était un mauvais réglage de ma part, mais c’était décevant.
J’ai ensuite essayé l’application OpenTracks : bien meilleur suivi ! Par contre il fallait exporter les trajets vers le serveur Nextcloud (j’avais mis une synchronisation du dossier d’export vers le serveur) et importer les trajets dans PhoneTrack. Il y avait encore un souci : le suivi n’était pas très précis. En regardant le trajet, on avait l’impression de suivre un homme ivre au dernier degré.

C’est à ce moment que l’envie d’une montre GPS m’a titillé. Pour la précision et aussi pour un appareil moins encombrant.
Entre prix élevés et coûts environnementaux des appareils neufs, je me suis tourné vers l’occasion et j’ai trouvé une montre Garmin Forerunner 110 à 30€. Pas cher, je lui offre une deuxième vie et en plus non connectée. Bingo !
L’aspect « non connectée » est intéressant car il y a moins de chances de se retrouver obligé de la connecter à une application particulière pour récupérer les données. J’avais vérifié le modèle avant l’achat : elle est détectée comme clé USB sur un ordinateur… Parfait, donc 🙂
Et bonus : la montre vient avec un moniteur de fréquence cardiaque.

Petit point à noter, toutefois : les Garmin crachent des fichiers .fit là où le standard pour les traces GPS est le .gpx. Une petite recherche plus tard et je découvrais gpsbabel qui permet de convertir les .fit en .gpx (et je peux même ajouter au fichier .gpx les relevés de fréquence cardiaque).

Il me fallait récupérer les fichiers de la montre, les convertir avec gpsbabel, les envoyer au serveur Nextcloud et les importer dans PhoneTrack. Pas très pratique. J’ai commencé à écrire un script pour automatiser tout ça avec Nextcloud workflow : il m’aurait alors suffi de déposer les fichiers sur Nextcloud. Mais le pilotage d’applications n’est pas simple depuis un script…

J’ai regardé les autres applications Nextcloud pour le suivi GPS dans l’espoir d’en trouver une qui ne nécessiterait pas d’importer manuellement les fichiers .gpx et j’ai trouvé GpxPod, du même développeur que PhoneTrack. Non seulement, cette application peut lire les fichiers .gpx d’un dossier mais en plus elle peut convertir elle-même les fichiers .fit en .gpx (pour peu que gpsbabel soit installé sur le serveur) et permet de comparer les différentes traces !
Bref, tout bénéf : je monte la clé, je dépose les fichiers sur Nextcloud et c’est tout bon, pas besoin de faire un script 😊

Je vais quand même faire un script pour Nextcloud workflow pour extraire la fréquence cardiaque des traces .gpx et utiliser ces données avec l’application Analytics, histoire de voir s’il y a des changements avec l’habitude.

OpenScale

Je l’ai dit : j’ai pris du poids. Encore (la dernière fois, c’était en septembre).

Ce n’est pas que je cède aux sirènes du « Sois mince pour être beau » ou que je n’aime pas mon corps, mais :

  • j’aimerais beaucoup ne pas devoir racheter des fringues, ça me gonfle d’avoir plein de fringues dans mon armoire que je ne peux plus mettre ;
  • le poids influe sur mon sommeil (si je suis moins lourd, je ronfle moins, donc je pense que ça peut influer sur mes hypopnées).

Donc je veux surveiller mon poids (et tant qu’à faire, en perdre). Là-dessus, l’application openScale est nickel : elle me permet de noter mon poids, mais aussi le tour de taille et d’autres mesures, et calcule des trucs toute seule (comme l’IMC).

Elle fonctionne parfaitement bien toute seule mais peut communiquer avec des balances connectées.

Depuis près de 3 semaines que je marche 8 kilomètres au petit matin et à jeun, je ne vois guère de résultat (et sans augmenter ma consommation de nourriture, je précise). Souhaitant savoir si je prenais de la masse musculaire ou si, à tout le moins, je perdais de la masse graisseuse, j’ai acheté une balance impédancemètre supportée par openScale : une Sanitas SBF70 (je n’ai pas trouvé d’occasion quand je l’ai achetée mais j’en ai trouvé une à l’instant sur ebay (donc on peut en trouver d’occasion, pour ceux que ça intéresse)).

Ça fonctionne très bien : je me pèse, et de temps en temps, alors que la balance est encore active, je lance l’application qui va aller chercher l’historique des pesées.

Ça ne fait que 3 jours que j’ai la balance, donc je ne sais pas encore s’il y a des variations (les variations que je constate sont minimes, je pense qu’il n’y a rien à en tirer pour l’instant).

Et si je souhaite exploiter les données d’openScale, je peux faire une sauvegarde des données et utiliser la base de données SQLite qui en résulte comme bon me semble 🙂

Avertissement

Bien évidemment, je n’ai été payé par aucune des marques citées dans cet article. Je les ai citées parce qu’il est important de connaître les marques et modèles exact·es qui fonctionnent avec les logiciels libres : autant, au niveau ordinateur, ça va plutôt bien maintenant, peu de composants posent problème, autant les bidules connectés, il y en a beaucoup (la très grande majorité) qui sont verrouillés de partout et inexploitables par des logiciels libres.

Crédit : Photo par Theme Inn sur Unsplash

2 réflexions au sujet de “Γνῶθι σεαυτόν, mais avec des logiciels libres”

  1. @lucMerci pour le retour, je me le garde dans un coin!Par contre tu n'as jamais pris autant de place dans ma timeline :shibaohshit:

  2. @luc Je partage votre avis, je ne suis pas sûr non plus que cette expression grec parlait de se monitorer ainsi soi-même sur son corps seul mais il est vrai qu'il faut bien vivre avec son temps. 😉 Merci pour toutes ces infos détaillées, si j’attrape le virus du 'quan­ti­fied self' plus tard je saurais où m'inspirer. 🤗

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